par Christian CARRIER, président du syndicat des apiculteurs du Cantal

 

En apiculture aucune année ne connait une météo idéale tout au long de la saison. Cette année 2022 ne déroge pas à cette règle.

Le premier semestre a été parfait pour le développement des colonies et la production de miel.

Puis cela commence à balbutier pour nos abeilles à compter du 20 juin. Un premier épisode de canicule bloque la sécrétion de nectars et pollens chez de nombreux végétaux mais nos colonies d’abeilles savent gérer un manque quand il ne s’étale pas trop dans la durée.

A compter du 1er juillet les pluies cessent sur tout le département jusqu’au 20 septembre. S’y ajoutent 2 épisodes caniculaires. Les restrictions d’eau témoignent de la présence d’une sècheresse exceptionnelle.

Dès la première quinzaine d’août les abeilles commencent à souffrir sérieusement. Une majorité d’apiculteurs est satisfaite de la récolte de miel. Le premier indice d’une carence dans mes colonies est l’absence totale de pollen dans les hausses. Comme tous les apiculteurs je m’en réjouis car cela facilite grandement l’extraction. De plus il y a toujours eu des orages fin août et la végétation va repartir, je ne suis pas du tout pessimiste.

Fin août, cela devient critique dans les colonies. Je m’assure qu’il y a suffisamment de provisions en miel et n’hésite pas à complémenter dans de rares cas. Le matin de bonne heure je vois quelques abeilles qui rentrent un peu de pollen. Je me rassure.

Début septembre mon inquiétude grandit et toutes mes colonies reçoivent à minima 2.5kg de pâte. Les colonies sont encore populeuses. Deuxième quinzaine de septembre quelques pillages totalement inexpliqués, l’apiculteur stresse autant que ses abeilles. Je note déjà une très forte dépopulation dans certaines colonies.

Début octobre je prends conscience que dans certains de mes ruchers le pourcentage de colonies que j’estime non viables pour l’hiver peut avoisiner 50%. Que ce soit des colonies avec des reines de l’année ou plus âgées.

Dans mon analyse, il n’y a pas eu de passage « de témoin » entre abeilles d’été et abeilles d’hiver. Probablement des quasi rupture de ponte, avec de jeunes abeilles n’ayant pas reçu de la gelée royale et de la bouillie larvaire de qualité. Ces carences de pollen au cours des 3 mois d’été seront fortement préjudiciables à bon nombre de mes colonies. Ce qui m’a leurré personnellement, c’est qu’à la suite d’un premier semestre favorable mes colonies très, très populeuses ne me laissaient pas entrevoir cette situation. Elles faisaient la barbe, témoignage d’une population conséquente. Avec la chaleur excessive en journée les investigations dans le corps semblaient délicates avec la crainte permanente de pillage.

A ma connaissance, la saison est trop avancée maintenant pour tenter quoi que ce soit afin d’augmenter les chances de survie dans bon nombre de ruches. Mettre du sirop c’est beaucoup trop tard pour des colonies peu populeuses et la pâte ne résoudra pas non plus cette dépopulation dramatique. Si la colonie est selon l’apiculteur viable malgré une faible population, il s’emploiera à partitionner et resserrer la colonie. C’est probablement la seule chose qu’il peut tenter pour optimiser les chances de survie.

L’hiver sera bien long pour les apiculteurs et malheureusement fort court pour nombre de nos colonies.